Allocution de la protectrice du citoyen lors du congrès Clarity 2018

  • 26 octobre 2018
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(La version lue fait foi)

Bonjour à toutes et à tous,

Il me fait plaisir de prendre part à ce colloque qui nous réunit aujourd’hui autour de l’importance d’une communication claire – c’est-à-dire des formulations simples, exactes et adaptées – pour donner à l’ensemble des citoyennes et des citoyens un plein accès à leurs droits.

C’est d’ailleurs ce que je compte faire ici : vous parler en termes clairs de ce que nous faisons au Protecteur du citoyen pour nous faire connaître et pour joindre nos différentes clientèles. Comme je dispose d’une vingtaine de minutes, je tenterai de le faire de façon directe et concise, à une époque où la concision fait généralement partie de la clarté, justement. À l’ère du Web, nous réalisons que nous n’avons parfois que quelques secondes à peine pour livrer notre message avant que notre interlocuteur « clique » sur autre chose. Alors je vais tout de suite à l’essentiel et je remercie les organisateurs et organisatrices de ce colloque de m’avoir invitée.

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D’entrée de jeu, j’ai envie de vous dire que la mission même du Protecteur du citoyen incarne précisément cette volonté de donner aux personnes le meilleur accès à leurs droits face à l’appareil public. Pourquoi? Parce que nous sommes un recours totalement gratuit, indépendant, sans formalités et sans l’obligation de procéder par écrit. Nous offrons plusieurs modes d’accès à nos services – téléphone, formulaire sécurisé sur notre site Web, poste, courriel, télécopieur et bien sûr en personne à nos bureaux de Québec et de Montréal. Au besoin, nous prêtons assistance aux personnes qui souhaitent formuler une demande. Nous prenons aussi les mesures nécessaires pour favoriser l’accessibilité de nos services aux personnes présentant un handicap. Par exemple, nous offrons aux personnes malentendantes qui le souhaitent un service d’interprétation en langage des signes québécois.

Nous agissons sans parti-pris, de façon tout à fait confidentielle et à l’abri de toutes représailles. Nous avons les pouvoirs de commissaire-enquêteur, ce qui nous donne accès à toute personne et à tout document utiles à notre enquête. Et enfin, nous avons un fort pouvoir de persuasion qui se traduit par un taux d’acceptation de nos recommandations de plus de 98 %.

Notre compétence s’étend à tous les ministères du gouvernement du Québec, à la grande majorité des organismes publics, aux établissements de détention sous juridiction provinciale et au réseau de la santé et des services sociaux.

Il y a un peu plus d’un an, notre mandat s’est élargi au traitement des divulgations d’actes répréhensibles à l’égard d’un organisme public faisant partie non seulement des réseaux de l’administration publique et de la santé mais aussi de l’éducation, des services de garde et des grandes sociétés d’État. On parle ici d’enquêtes à la suite d’allégations de cas graves de mauvaise gestion, de manquements majeurs aux normes d’éthique et de déontologie ou encore d’abus d’autorité. Ce ne sont là que quelques exemples.

Bref, nous mettons à la disposition des citoyennes et des citoyens un mécanisme simple et facile d’accès pour leur assurer des services publics de qualité, intègres et respectueux de leurs droits.

Mais encore faut-il qu’ils nous connaissent, qu’ils comprennent ce que nous pouvons faire pour eux, qu’ils pensent à recourir à nous et qu’ils nous fassent confiance.

Nos efforts en ce sens sont constants.

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Je pense que plusieurs ici s’y reconnaîtront si je parle du défi que représente l’emploi d’une langue de communication vulgarisée alors que la sphère juridique se prête souvent à ce qu’on pourrait qualifier de jargon d’experts. N’avons-nous pas un peu le réflexe de penser que nous faisons du nivellement vers le bas quand nous faisons un effort de vulgarisation? Nous pouvons aussi craindre de perdre en précision.

Il est évident que le langage juridique apporte la précision et la rigueur nécessaires dans les échanges et les écrits qui fondent le droit. Au Protecteur du citoyen, nous avons souvent recours à cette terminologie, notamment parce que nous nous appuyons sur l’application des lois et des règlements lors de nos enquêtes. Nous tentons toutefois le plus possible d’éviter le vocabulaire des spécialistes quand nous nous adressons à des citoyens et citoyennes. Plus encore, étant donné notre mandat, cette langue doit traduire l’empathie, la compréhension, la transparence.

Dans notre déclaration de services, nous nous engageons à fournir des explications complètes dans un langage clair, simple et facile à comprendre. Selon un sondage effectué en mars 2018 auprès de personnes ayant recours à nos services, nous respectons plutôt bien cet engagement. En effet, 9 personnes sur 10 ont estimé que le personnel du Protecteur du citoyen s’était adressé à elles dans un langage clair. 85 % des personnes sondées ont aussi indiqué que la réponse qu’elles avaient reçue à leur demande était facile à comprendre.

Que ce soit dans nos façons de parler ou d’écrire, nous devons tenir compte de plusieurs facteurs. Je vous en énumère quelques-uns :

  • Le fort taux d’analphabétisme fonctionnel dans la population québécoise;
  • La méconnaissance que les gens ont généralement des recours disponibles;
  • La confusion possible entre les différents mécanismes existants; je pense, par exemple, à l’Office de protection du consommateur ou à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;
  • Le fait que les personnes qui font appel à nos services traversent souvent une crise personnelle; 
  • La méfiance que des personnes peuvent avoir à l’égard des services publics à la suite de mauvaises expériences ou en raison d’un cynisme croissant envers l’Administration et les gouvernements;
  • La crainte des représailles chez certaines personnes, notamment chez les plus vulnérables comme les personnes âgées et celles avec des problèmes de santé mentale;
  • Et enfin, les appréhensions que beaucoup de gens peuvent avoir à l’idée d’exercer leur recours; une telle démarche est souvent associée à de longs délais et à des coûts élevés.

Quand des gens nous téléphonent, ce sont des éléments dont nous devons tenir compte. Notre personnel à l’accueil est formé, non seulement pour être en mesure de recevoir les plaintes en première ligne, mais aussi pour refléter ce souci de parler aux personnes avec humanité, compassion et clarté. Précisons que plus de 80 % de nos plaignantes et plaignants nous joignent par téléphone.

Ceux et celles qui font leur demande par Internet, soit près de 9 % des personnes qui font appel à nous, le font grâce à un formulaire sécurisé facile à remplir et offrant toutes les garanties de confidentialité.

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Ce qui m’amène à vous parler de cet outil, le Web qui, ces dernières années, nous a imposé ses codes, sa concision, ses formules abrégées. Sujet, verbe, complément : nos façons d’écrire ont considérablement évolué depuis que nous avons emboîté le pas à l’Internet et aux médias sociaux. Depuis 2013, le Protecteur du citoyen est sur Facebook et Twitter. En 2015, nous avons procédé à une importante refonte de notre site Web en revoyant complètement sa facture visuelle et en réécrivant la majorité de nos contenus pour viser une meilleure accessibilité.

Un journaliste suédois dont j’écorcherai probablement le nom (Sven Sainderichin) a écrit un jour que : « Le style qui convient pour la communication écrite, c’est le style de la conversation, juste nettoyé de ses défauts habituels, soit le désordre, la redondance excessive, l’absence de rigueur et une certaine négligence. »

Je suis tout à fait d’accord avec cette façon de voir les choses et le Web se prête bien à cette efficacité. Sur notre site, nous appliquons rigoureusement des principes de communication claire et directe, ceci pour favoriser ce qu’il est convenu d’appeler une « expérience-utilisateur optimale et conviviale ».

Comme vous pouvez voir, même le monde des communications parle un certain jargon! 

Mais ce que j’entends par là, c’est par exemple un design épuré qui simplifie la recherche, un menu qui facilite la navigation, des libellés accessibles, des phrases courtes – idéalement moins de 15 mots – l’emploi de mots-clés qui permettent un repérage facile, des sous-titres éclairants, l’emploi du « vous » et du « nous » pour une approche inclusive et un ton le moins formel possible.

Au fond, nous cherchons, par toute une série d’astuces, à accompagner la personne pour que son but – par exemple savoir comment se plaindre chez nous – soit atteint, et ce, en quelques secondes et dans un minimum de clics. Passé ce délai, notre visiteur est ailleurs et probablement frustré de ne pas être arrivé à ses fins.

Nous avons aussi diversifié nos façons d’informer :

  • capsules d’information diffusées sur notre site et reprises dans notre microsite partenaire du magazine Protégez-vous;
  • courts résultats d’enquête qui paraissent chaque semaine sur le Web et qui résument une plainte qui nous a été soumise ainsi que son dénouement; ces résultats d’enquête sont ensuite relayés sur nos différents comptes, Facebook, Twitter et Google +;
  • foire aux questions et j’en passe…

Nous recourons depuis peu à un logiciel afin d’évaluer la lisibilité de nos textes : sommes-nous à la portée d’un public universitaire uniquement? de niveau cégep? de niveau secondaire? Sommes-nous compris par des gens de scolarité plus faible? Nous comptons être très attentifs à cette analyse de nos contenus, cherchant à joindre le public le plus vaste. Ceci tout en véhiculant une information rigoureusement exacte.

Nous nous efforçons par ailleurs de respecter les standards d’accessibilité du Web afin que les personnes qui ont une déficience permanente ou temporaire puissent facilement prendre connaissance de nos contenus. Je vous rappelle qu’une déficience restreignant l’accès à un contenu Web peut être visuelle, motrice, auditive, cognitive ou neurologique ou encore liée à la parole. Sur notre site, l’ensemble des articles, nos vidéos ainsi que plusieurs PDF sont conformes aux standards d’accessibilité.

Facebook et Twitter ont grandement contribué à élargir la conversation avec les citoyennes et les citoyens. À ce jour, près de 14 000 personnes nous suivent sur Facebook, près de 5 000 sur Twitter. Et ces chiffres sont en constante augmentation. Il arrive que des personnes veuillent nous exposer le sujet de leur plainte directement sur les médias sociaux, en quête d’une réponse rapide. Bien entendu, nous ne procédons pas de cette façon, principalement pour des raisons de confidentialité des renseignements personnels. En pareil cas, nous les invitons plutôt à s’adresser à nous par téléphone, par courriel ou au moyen de notre formulaire de plainte disponible sur notre site.

Nous avons d’ailleurs placé en tête des priorités de notre planification stratégique 2018-2023 un meilleur accès à nos services, une notoriété accrue et une communication claire. 

À cet égard, le Web nous amène à évoluer vers de nouvelles formes d’assistance qui pourront éventuellement accroître l’efficacité de notre réponse, et ce, peut-être même en dehors de nos heures d’ouverture actuelles. Je pense par exemple aux possibilités du clavardage en ligne pour répondre à certaines questions. Le clavardage, ce sont ces bulles qui apparaissent sur certaines pages web et qui nous proposent une discussion en direct avec un membre du personnel. À travers les innovations et les questionnements, notre préoccupation demeure : comment pouvons-nous le mieux possible et le plus instantanément possible aider la personne qui se tourne vers le Protecteur du citoyen?

En passant, je vous précise, que concernant un canal plus conventionnel de conversation, soit le téléphone, notre délai moyen de réponse est de 20 secondes. Et c’est bel et bien un être humain qui répond, pas un message pré-enregistré! Nous en faisons un engagement formel dans notre déclaration de services aux citoyens.

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J’aimerais maintenant vous parler brièvement d’un des groupes qui font l’objet d’une approche ciblée de notre part, soit les peuples autochtones. Ainsi, nous avons produit deux rapports spéciaux qui concernent certains d’entre eux. Un premier porte sur les conditions de détention, l’administration de la justice et la prévention de la criminalité au Nunavik. Le second, toujours pour le même territoire, traite des défis en matière d’éducation. Les sommaires de ces rapports ont d’ailleurs été traduits en inuktitut.

À cette occasion, nous nous sommes familiarisés avec des façons de faire qui nous ont démontré que le langage clair doit décidément savoir s’adapter et innover en fonction du public cible.

Qu’est-ce que j’entends par là?

Que ce soit en matière de détention ou d’éducation, il était clair que mes enquêteurs devaient se rendre sur place pour mener leur enquête et c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont alors rapidement fait certains constats :

  • En tout premier lieu, ils devaient gagner la confiance des personnes inuites, et ce, au fil d’un processus très progressif de prise de contact auprès de leurs dirigeants et leaders.
  • Puis, il s’est avéré que bien des gens là-bas avaient développé une certaine aversion à l’égard des personnes dites « du sud » qui viennent leur exposer ce qu’elles peuvent faire pour leur venir en aide. À ce stade-ci, les Inuit voulaient être entendus au sujet de leurs besoins, et pas le contraire. 
  • Il fallait aussi prendre le temps de consulter des personnes connaissant bien ces communautés et de s’informer au sujet de leur culture, leur histoire et leur identité, ceci afin de les comprendre. 

Ce sont des exemples. Dans notre volonté de ne jamais laisser personne de côté, il a fallu aussi se familiariser avec la complexité de problèmes qui peuvent relever d’une prise en charge tripartite : fédéral, provincial et gouvernance locale. En pareil contexte, il peut être facile de se renvoyer la balle, ce qui se situe à l’opposé du respect que nous portons aux personnes et à notre mission de s’assurer du respect de leurs droits à l’égard des services publics. Pour ces raisons et bien d’autres, nous avons décidé de donner à notre personnel de la formation supplémentaire pour assurer aux personnes issues des communautés autochtones un plein accès au Protecteur du citoyen.

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Il va de soi que dans un colloque sous la bannière de Clarity et axé sur la communication claire à l’ère moderne, on souhaite avoir livré son message de façon intelligible et facilement accessible. J’espère avoir atteint l’objectif et vous avoir communiqué notre réelle volonté de joindre les gens pour leur rendre notre institution la plus visible et la plus proche de leur réalité.

Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

Merci de votre attention.