Extrait de l'allocution du protecteur du citoyen Marc-André Dowd lors du dépôt du rapport annuel 2021-2022 -- Conférence de presse
Notre mandat en matière d’intégrité publique nous a conduits, encore cette année, à traiter des divulgations d’actes répréhensibles à l’égard d’organismes publics. Notre action en intégrité publique va bien au-delà de la sanction des fautifs. Il s’agit plutôt, par nos recommandations, d’inviter les services publics concernés à mettre en place des filets de sécurité afin d’éviter que les situations problématiques constatées ne se reproduisent. J’y vois un réel impact ainsi que des améliorations substantielles dans les pratiques des organismes publics visés.
Dans ce domaine, nous avons le souci constant de préserver la confidentialité de nos enquêtes et de protéger non seulement les lanceurs d’alerte qui nous accordent leur confiance, mais aussi tous les témoins qui nous permettent de mener à bien nos enquêtes.
Je souhaite maintenant faire une mise au point concernant une conclusion d’enquête diffusée récemment. Notre enquête visait l’administration d’un programme de subventions destiné à soutenir des projets qui répondent à la mission du ministère de l’Éducation.
Ce programme administratif, géré par le ministère, est différent des budgets purement discrétionnaires que les ministres peuvent allouer librement. Selon les règles de gestion du ministère, les demandes de subventions relatives à ce programme doivent d’abord faire l’objet d’une analyse administrative qui sert à éclairer la prise de décision discrétionnaire du ministre.
Mon rôle comme Protecteur du citoyen n’est pas de remettre en question les décisions des acteurs politiques. Nous nous intéressons aux aspects administratifs.
Toutefois, il y a, dans notre système, une interaction entre les deux. Les acteurs politiques peuvent formuler tout type de demande à l’appareil administratif. La manière dont l’administration gère ces demandes, comment on les reçoit, comment on les oriente, comment on les exécute, c’était là l’objet de notre enquête. La relation entre le politique et l’administratif devrait être une relation de confiance mutuelle, dans le respect des rôles et des expertises de chacun. L’administratif est là pour servir et conseiller le politique dans la réalisation de ses priorités. Il devrait détenir l’expertise sur la manière de bien réaliser ces volontés politiques dans les cadres existants ou sur la manière d’en créer de nouveaux pour la réalisation de ses priorités.
En d’autres mots, notre enquête avait pour objectif de s’assurer que le programme de subventions était bien administré, dans le respect des règles et des véhicules financiers appropriés. Or, elle a permis de constater que, sur une longue période, la gestion administrative de ce programme de subvention était problématique, notamment, dans le traitement des demandes avant la prise de décision du ministre. Ce sont les acteurs administratifs qui doivent gérer cette interface entre le politique et l’administratif. Notre enquête est demeurée, en tout temps, du côté administratif de cette frontière.
Le seul mis en cause dans ce dossier est donc le ministère de l’Éducation. Aucune conclusion défavorable n’a été émise à l’égard d’une personne en particulier.
Conformément à la Loi, notre rapport d’enquête a été déposé au sous-ministre de l’Éducation, en novembre 2021. Nos recommandations, qui offraient des pistes de solution à des problèmes persistants, sont soit déjà implantées ou en bonne voie de l’être. Le Ministère a été proactif dans leur mise en œuvre, de sorte que pour nous, aujourd’hui, les problèmes constatés sont pratiquement réglés. En ce sens, j’ai la ferme conviction que notre travail dans ce dossier a contribué au renforcement de l’intégrité et à la saine gestion des fonds publics.
Notre enquête a été menée privément et ce rapport d’enquête est confidentiel de façon à assurer la protection non seulement du divulgateur, mais également de toutes les personnes qui ont participé à notre enquête.
Fidèle à nos pratiques des dernières années, nous avons produit une conclusion d’enquête anonymisée qui n’identifiait pas le ministère. L’objectif était alors, dans l’intérêt public, de faire état de notre intervention, et ce, dans le respect de nos obligations légales de confidentialité. Ce texte avait des visées pédagogiques et de prévention. Son but n’était pas de désigner un ou des fautifs.
Au vu des réactions qu’elle a suscitées, je reconnais que cette publication n’a pas permis de bien comprendre l’intervention du Protecteur du citoyen dans ce dossier.
Je pense que l’heure est venue de revoir plusieurs aspects de la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics, notamment en vue de mieux préciser l’intention du législateur quant au degré de transparence attendu de nos interventions.
J’insiste sur un dernier point : l’intervention du Protecteur du citoyen, bien que par nature discrète en vertu de cette loi, a déjà amené de nombreuses améliorations concrètes, en faveur d’un renforcement de l’intégrité publique au Québec.