Allocution de la protectrice du citoyen - Dépôt du Rapport annuel 2017-2018

  • 29 novembre 2018
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(La version lue fait foi)

Bonjour à toutes et à tous,

Je vous remercie de vous joindre à moi pour la présentation du rapport annuel 2017-2018 du Protecteur du citoyen. Je suis accompagnée de Me Hélène Vallières, vice-protectrice — Affaires institutionnelles et prévention, et de M. Claude Dussault, vice-protecteur — Services aux citoyens et aux usagers. 

L’an dernier, au moment de la parution du rapport annuel, j’occupais la fonction de protectrice du citoyen depuis quelques mois seulement. Cette fois-ci, les nouvelles et les nouveaux venus sont, pour plusieurs, du côté des parlementaires. Je tiens, dès à présent, à les assurer, de même que celles et ceux qui sont de retour à l’Assemblée nationale, de mon engagement à veiller, tout comme eux, au respect des droits des citoyens et citoyennes par les services publics. J’inclus ici, au titre de citoyens, les entreprises, les associations et les groupes. Par ailleurs, l’intervention du Protecteur du citoyen – je le rappelle – se fait en toute indépendance et sans parti-pris.

Notre rapport annuel rend compte de lacunes constatées au fil de nos enquêtes, que ce soit dans des ministères, des organismes, des établissements de détention ou dans le réseau de la santé et des services sociaux. Dans de nombreux cas, nous avons recommandé et obtenu les correctifs nécessaires. D’autres avancées se font toujours attendre et requièrent toute la vigilance et la persévérance de mon extraordinaire équipe.

Je voudrais revenir brièvement sur les obligations premières des services publics. Des obligations qui font l’objet d’engagements formels de leur part. Ces engagements sont inscrits dans des lois, des politiques et dans leur déclaration de services aux citoyens. 

Ainsi, tous les ministères, les organismes gouvernementaux, les établissements de détention et le réseau de la santé et des services sociaux ont le devoir de donner les services prévus selon les programmes en vigueur. Ils doivent aussi livrer une information appropriée et traiter toutes les demandes avec rigueur et équité. Après l’examen d’un dossier, ils doivent transmettre une réponse compréhensible et juste dans des délais raisonnables. C’est la seule façon de permettre l’exercice des recours adéquats. Ils sont aussi tenus d’appliquer la loi avec transparence et humanité.

Qu’en est-il du respect de ces engagements? J’estime que l’appareil public fait des efforts considérables pour qu’ils se concrétisent. Mais, année après année, des plaintes et des signalements au Protecteur du citoyen révèlent des lacunes importantes, certaines persistantes.  

Je vous donne quelques exemples. 

  • On se souviendra des inondations survenues au Québec en mai 2017. Or, en 2018, certains sinistrés ne sont toujours pas indemnisés. Pour eux, les délais s’allongent en dépit de l’engagement du ministère de la Sécurité publique d’appliquer un programme spécial d’aide financière bonifiant les dispositions habituelles. 
  • En août 2017, les services de l’Aide financière aux études du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur – soumis comme tout service public au devoir de bien renseigner la clientèle – n’avaient répondu qu’à 12 % des 188 969 appels téléphoniques reçus.
  • La Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels interprète parfois la définition de victime de façon trop étroite. C’est ainsi qu’on exige d’une personne qu’elle ait été directement un témoin visuel ou auditif du crime pour être indemnisée. Cela prive des gens d’une compensation qui leur est due. 
  • Lors de vérifications sur le crédit pour frais de garde d’enfants, Revenu Québec a établi des cotisations sur la base de soupçons de fraude plutôt que sur des éléments de preuves tangibles. Enfreignant sa propre Charte des droits des contribuables et des mandataires en ne donnant pas les motifs à l’appui de ses cotisations, il n’a pas respecté le droit à se défendre adéquatement. 
  • En contexte de surpopulation carcérale, les établissements de détention n’arrivent pas à respecter leur obligation d’offrir aux personnes incarcérées des conditions de détention humaines et sécuritaires. 

Du côté des services de santé et des services sociaux, les engagements doivent aussi être respectés, et ce, même si on ne peut nier que la pression sur le réseau augmente continuellement, entre autres en raison du vieillissement de la population.

  • Ainsi, on constate que le personnel en CHSLD peine à suffire à la tâche. Les équipes de soins doivent souvent composer avec des effectifs incomplets. On assiste alors au report ou à l’annulation de certains soins ou services. De telles pratiques entrent en contradiction avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi qu’avec les orientations du Ministère qui doivent guider la prestation des soins dans un milieu de vie. En effet, selon ces balises, les besoins des personnes constituent le fondement de toute décision en matière d’organisation et d’intervention.  
  • Le ministère de la Santé et des Services sociaux s’est engagé à assurer à 85 % de la population du Québec l’inscription auprès d’un médecin de famille. L’objectif devait être atteint le 31 décembre 2017. Or, à cette date, le taux d’inscription plafonnait à 78,3 % en moyenne au Québec. Je tiens toutefois à signaler les progrès accomplis. En effet, ce taux représente une hausse de 3,9 % par rapport à l’année précédente. De plus, certaines régions ont dépassé les projections. C’est le cas, par exemple, du Bas-Saint-Laurent, de Chaudière-Appalaches, de la Gaspésie et du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Toutefois, pour la grande région de Montréal, ce taux était de 66 % seulement.
  • Finalement, le nombre de personnes qui ont reçu des services de soutien à domicile de longue durée – personnes âgées ou personnes handicapées – est inférieur à la cible annoncée dans le Plan stratégique 2015-2020 du ministère de la Santé et des Services sociaux. Bien que ce nombre soit en hausse, il demeure insuffisant vu l’augmentation de la clientèle qui a besoin de ces services. 

Pour d’autres ministères et organismes, le Protecteur du citoyen demeure en attente de certains engagements

Il en va ainsi du recours au protecteur de l’élève dans les commissions scolaires. En octobre 2017, le Protecteur du citoyen a produit un rapport recommandant des avenues pour que ce recours devienne plus simple, rapide, efficace et impartial. Le projet de loi intégrant plusieurs de nos recommandations est, selon l’expression consacrée, « mort au feuilleton ». Je suis donc attentive aux suites qui seront données à cette question prioritaire pour nos élèves et leurs parents.

Je souligne par ailleurs les avancées en ce qui concerne le suivi des apprentissages des enfants scolarisés à la maison grâce aux nouvelles dispositions de la Loi sur l’instruction publique et du Règlement sur l’enseignement à la maison. Il faut maintenant que les engagements découlant des nouvelles dispositions trouvent place dans la réalité des familles qui ont recours à cette formule d’enseignement. 

Ce rapport annuel présente le bilan des 11 premiers mois d’activités de notre nouvelle Direction des enquêtes sur les divulgations en matière d’intégrité publique. D’ores et déjà, le nombre de divulgations reçues, soit 136, confirme le bien-fondé d’un tel recours indépendant et impartial. Cette nouvelle Direction, rappelons-le, est sans compromis quant à la protection de l’identité des personnes qui font une divulgation ou qui collaborent à une enquête. Une telle garantie est indispensable pour dissiper les craintes que certaines personnes pourraient avoir quant aux conséquences pour elles de faire une divulgation.

En terminant, je rappelle qu’il y a 50 ans, un 14 novembre, le Parlement adoptait la loi créant le Protecteur du citoyen. Plus de 850 000 : c’est le nombre de demandes et de plaintes reçues par nos services en cinq décennies. 

Dès sa fondation, le Protecteur du citoyen a eu pour mandat d’assurer le respect des droits des citoyens et citoyennes dans leurs relations avec les services publics. Au fil du demi-siècle, il a tenu ses engagements. Et pour l’avenir, j’ai la chance de pouvoir prendre appui sur une équipe dévouée et solide qui porte toujours plus loin une mission unique et essentielle.

Je vous remercie de votre attention et répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.