Speech by the Ombudsperson at the General Assembly of the interdisciplinary council of Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal (in French)

  • June 6, 2019
Corps

(La version lue fait foi)

Bonjour à tous et à toutes,

Je souhaite tout d’abord remercier votre président, Monsieur Ibrahima Diallo, de m’avoir invitée à votre assemblée générale. Je m’estime choyée de pouvoir discuter avec vous de certains enjeux en matière de santé et de services sociaux. En tant que membres du Conseil multidisciplinaire d’un CIUSSS, vous faites partie des personnes les plus concernées par l’état actuel du réseau et par l’avenir des soins et des services.

Le rôle aviseur de votre conseil, notamment en ce qui a trait à l’organisation, la coordination et l’accessibilité des soins et services, est crucial. Votre position d’acteurs et d’observateurs tout à la fois vous confère un pouvoir d’influence qui contribue sans aucun doute à améliorer les pratiques.

En tant que protectrice du citoyen, je crois fermement à l’efficacité de votre intervention, concrète et cohérente. Vous êtes issus de différents domaines, notamment la physiothérapie, l’ergothérapie, l’orthophonie, l’intervention sociale et la gestion. Ensemble, vous multipliez les efforts et les initiatives pour faciliter l’arrimage entre les ressources et les besoins. Or, je sais à quelle ingéniosité et à quelle inventivité vous devez recourir pour y arriver le mieux possible.

C'est bien connu, les bonnes pratiques militent pour les approches concertées entre les disciplines. Le fait de voir les choses sous un angle multidisciplinaire favorise la mise en commun des savoirs, dans l’intérêt des usagers et des usagères. Le meilleur agent d’évolution des services tient, selon moi, à l’existence de plusieurs acteurs crédibles — dont vous êtes, dont nous sommes — pour dénoncer les failles dans une optique d’amélioration continue.

J’insiste sur cette notion d’amélioration et de progrès. Parce qu’il y a des avancées et on doit les souligner quand elles surviennent. 

En contexte de population vieillissante, de pénurie de main-d’œuvre et de répartition serrée des ressources, apporter des solutions à des enjeux aussi complexes que l’accès aux soins et aux services, pour ne nommer que celui-là, représente un énorme défi. Soyez assurés que mon équipe et moi en sommes pleinement conscientes.

Tout comme les conseils multidisciplinaires, le Protecteur du citoyen a un pouvoir d’influence et de recommandation. Tout comme vous, il vise l’amélioration des services et des pratiques. Nos missions se croisent, bien que notre statut, notre rôle et notre fonctionnement soient bien sûr très différents. 

M. Diallo m’a offert de vous présenter aujourd’hui le rôle et l’action du Protecteur du citoyen. Je lui en suis très reconnaissante, car malheureusement, cette formidable et essentielle institution est encore trop peu connue. 

Cette année, le Protecteur du citoyen souligne ses 50 ans. Depuis 1969 en effet, il agit comme médiateur indépendant et impartial entre les citoyens-citoyennes et les services du gouvernement du Québec. Sachez que lorsque je parle de citoyens et de citoyennes, je fais référence ici non seulement aux individus, mais aussi aux personnes morales (groupes, associations ou entreprises privées). Tous et toutes peuvent s’adresser à nous.

La mission du Protecteur du citoyen est d’assurer le respect des droits des citoyens et des citoyennes dans leurs relations avec les services publics. 

Le Protecteur du citoyen assume quatre mandats distincts. 

  • Nous traitons les plaintes visant les ministères et les organismes du gouvernement du Québec.
  • Nous traitons également  celles des personnes incarcérées dans un établissement de détention relevant du ministère de la Sécurité publique. 
  • Depuis 2006, nous traitons les plaintes et les signalements qui visent les établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Je reviendrai plus en détail tout à l’heure sur cet aspect de notre mission.
  • Et depuis maintenant deux ans, la loi nous confère le mandat de recevoir les divulgations d’actes répréhensibles commis au sein ou à l’égard des organismes publics et de faire enquête. Nous faisons aussi enquête en cas de représailles liées à de telles divulgations, sauf si les représailles s’exercent en matière d’emploi. Dans ce cas, la personne dispose d’autres recours en vertu des lois du travail. 

Un acte répréhensible peut, par exemple, être une contravention à une loi ou à un règlement, un manquement grave aux normes de déontologie, un cas grave de mauvaise gestion ou un abus d’autorité. 

Concrètement, il peut s’agir d’un conflit d’intérêts, de l’utilisation des ressources d’un organisme public à des fins personnelles ou encore de la falsification de résultats financiers, pour ne citer que quelques exemples. 

Plus de 5 000 organismes, instances et entités sont visés par la loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics : 

  • les ministères et organismes gouvernementaux;
  • les entreprises du gouvernement;
  • les commissions scolaires et leurs établissements d’enseignement;
  • les cégeps et les établissements d’enseignement universitaires;
  • les centres de la petite enfance, les services de garde subventionnés et les bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial;
  • et finalement les établissements de santé et de services sociaux publics et privés conventionnés.

Toute personne peut se tourner vers nous pour faire une divulgation. Elle peut être un membre du personnel de l’organisme en cause, un fournisseur, un sous-traitant ou tout autre individu qui a eu connaissance qu’un acte répréhensible a été commis ou est sur le point de se produire. La divulgation peut être anonyme ou non.

La Loi confère une protection à ceux et celles que l’on appelle communément les lanceurs d’alerte. Elle protège aussi les personnes qui participent à nos enquêtes et qui s’estimeraient victimes de représailles. 

Dans la réalisation de l’un ou l’autre de nos quatre mandats, nous jouissons d’une totale indépendance et nous agissons toujours avec impartialité. Cette indépendance et cette impartialité qui nous caractérisent sont inhérentes au statut de l’institution. Pourquoi? Parce le Protecteur du citoyen relève de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire de l’ensemble des élus de toutes les formations politiques. 

Seulement cinq institutions au Québec ont un tel statut. Il s’agit :

  • du Vérificateur général;
  • du Directeur général des élections;
  • du Commissaire à l’éthique et à la déontologie; 
  • du Commissaire au lobbyisme;
  • et du Protecteur du citoyen.

Ces institutions bénéficient de toute la latitude nécessaire pour réaliser leur mission, constater les éventuels manquements et formuler des recommandations. Chacune à leur façon, ces institutions sont des chiens de garde, que ce soit de la qualité et de l’intégrité des services publics ou encore de la démocratie.

Grâce à ce lien avec l’Assemblée nationale, le Protecteur du citoyen peut mener une action préventive. C’est le cas notamment lorsque nous attirons l’attention des parlementaires sur les projets de loi dont certains articles risquent, selon notre analyse, de nuire à des citoyens et citoyennes. Même chose lorsque nous signalons à un ministère, à un organisme public ou encore à un établissement du réseau de la santé et des services sociaux des améliorations à apporter à un règlement ou à une politique.

C’est aussi en vertu de l’impartialité que sur la base de faits, de témoignages et de documents, nous examinons avec rigueur le point de vue de la personne qui fait appel à nous tout autant que celui de l'instance visée. 

Notre nom — Protecteur du citoyen — peut parfois donner l’impression que nous intervenons en tant qu’avocat de la personne qui fait appel à nos services. Ce n’est pas le cas. Dans toutes nos interventions, nous avons le devoir d’être sans parti pris, d’agir en toute impartialité. 

L’impartialité, la justice, l’équité, le respect et la transparence sont les valeurs qui guident nos interventions alors que notre action est animée par l’intégrité, la rigueur et l’empathie. 

Le Protecteur du citoyen jouit d’un autre atout majeur dans la réalisation de sa mission. La loi nous confère en effet un pouvoir de commissaire enquêteur. Ainsi, nous pouvons avoir accès à toute personne, à tout document et à tout témoignage requis aux fins de nos enquêtes. 

Comme je vous le disais tout à l’heure, le Protecteur du citoyen a un pouvoir de recommandation. Il n’est pas un tribunal. Toutefois, nos recommandations sont acceptées dans plus de 98 % des cas. 

Année après année, ce taux élevé d’acceptation confirme d’une part que le Protecteur du citoyen est un acteur crédible qui propose des solutions réalistes, et d’autre part qu’il obtient une bonne collaboration des services publics, en quête eux aussi d’amélioration.

Pour être pertinents et donner la meilleure portée à nos recommandations, nous devons demeurer bien conscients de deux choses :

  • Premièrement, que les administrations vivent des contraintes liées aux enveloppes budgétaires. Évidemment, les limites financières ne peuvent justifier des manquements inacceptables. Le défi n’en est pas moins grand au moment d’affecter les ressources au bon endroit et de la meilleure façon. Le pragmatisme doit donc guider nos recommandations.
  • Deuxièmement, que l’important, c’est que le problème se règle, que ce soit ou non selon les avenues que nous avons envisagées.

Nous pouvons recommander des correctifs au bénéfice d’une seule ou de plusieurs personnes ou, plus largement, pour corriger une situation dans l’intérêt général de la population. Nous réalisons aussi des enquêtes spéciales sur des enjeux systémiques. 

En santé et services sociaux, parmi les enjeux ayant donné lieu à des enquêtes spéciales au cours des dernières années, mentionnons :

  • L’accès au régime d’assurance maladie pour les enfants nés au Québec de parents au statut migratoire précaire;
  • Les délais de contestation au Tribunal administratif du Québec pour les personnes gardées contre leur gré dans un établissement de santé;
  • Les droits et obligations des locataires et propriétaires de résidences privées pour personnes âgées;
  • Les frais accessoires pour les services de santé;
  • Les services de santé et les services sociaux offerts aux enfants qui présentent une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme.

Quel que soit le volet de notre action, nous intervenons le plus souvent à la suite des plaintes, des signalements ou des divulgations qui nous parviennent de citoyens et de citoyennes. Mais nous pouvons aussi faire enquête de notre propre initiative. 

Précision importante, pour ce qui est des plaintes touchant un établissement du réseau de la santé et des services sociaux, nous agissons généralement comme un recours de deuxième niveau, après le commissaire aux plaintes et à la qualité des services de l’établissement. Si la personne qui a fait appel au commissaire demeure sans réponse de lui pendant 45 jours, ou encore si elle est insatisfaite de sa réponse, ou du suivi accordé, elle peut alors communiquer avec nous. 

Le Régime d’examen des plaintes prévu à la Loi sur les services de santé et les services sociaux spécifie toutefois que nous pouvons intervenir directement lorsqu’une situation nous est signalée par un tiers. Ce signalement peut être anonyme. Il peut provenir d’un proche, d’un membre du personnel de l’établissement  visé ou de tout autre individu.

À retenir que nous ne pouvons pas traiter les plaintes et les signalements qui visent les médecins, les dentistes, les pharmaciens et les résidents, et ce, même s’ils travaillent en milieu hospitalier. La personne qui souhaite formuler une telle plainte doit se tourner vers le Commissaire aux plaintes et à la qualité des services de l’établissement auquel est rattaché le professionnel visé. Le commissaire transmettra sa demande au médecin examinateur de l’établissement.

À noter aussi que la Loi nous permet d’intervenir jusqu’à deux ans après que l’usager ou l’usagère ait reçu les conclusions du commissaire aux plaintes et à la qualité des services. 

Après cette période, nous pouvons refuser d’examiner la plainte en deuxième recours, à moins que la personne démontre qu’il lui était impossible de communiquer avec nous à l’intérieur des délais prescrits. 

Dans le secteur de la santé et des services sociaux, notre champ d’action est large. Il s’étend :

  • aux hôpitaux;
  • aux CLSC;
  • aux CHSLD;
  • aux résidences privées pour aînés;
  • aux centres jeunesse;
  • aux CISSS et aux CIUSSS;
  • aux centres de réadaptation;
  • aux ressources intermédiaires;
  • aux maisons d’accueil pour traiter les dépendances ou pour recevoir des personnes avec une déficience;
  • aux organismes communautaires visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux;
  • aux transports préhospitaliers d’urgence;
  • et finalement, à tout organisme, société ou personne auquel un établissement recourt par entente. 

Vous êtes bien placés pour le savoir : en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les usagers et les usagères de ces établissements et ressources ont le droit de recevoir des soins et des services adéquats, dans le respect de leur dignité et de leur intimité. 

De plus, leur dossier médical doit être traité en toute confidentialité. Ils doivent avoir accès à de l’information complète, juste et pertinente. Et enfin, ils ont le droit de porter plainte s’ils estiment que leurs droits ne sont pas respectés. 

Notre mission consiste, entre autres, à nous assurer du respect de ces droits et à prévenir tout abus ou erreur dont un établissement du réseau de la santé et des services sociaux se rendrait responsable. 

Chaque année, notre rapport annuel d’activités rend compte des principaux motifs des plaintes et signalements que nous avons traités, de nos constats et de nos recommandations, et ce, pour chacun de nos quatre mandats.

Je vous livre donc maintenant quelques faits saillants de notre rapport annuel d’activités 2017-2018, déposé à l’Assemblée nationale en novembre dernier, en ce qui concerne le réseau de la santé et des services sociaux.  

Je suis ici devant vous, professionnels et gestionnaires du réseau, qui, je le sais, s’investissent totalement afin que les personnes aient accès aux meilleurs soins et services malgré les contraintes de toutes sortes. 

Vous vous en doutez, personne n’appelle au Protecteur du citoyen pour nous partager leur satisfaction des services reçus. Nous sommes donc continuellement dans l’univers des problèmes, des insatisfactions. 

Sachez que je prends toujours soin, au moment de la diffusion de notre rapport annuel aux médias, de souligner les avancées que nous avons observées au cours de l’année.

Cela dit, les plaintes reflètent certains enjeux auxquels vous et moi tentons d’apporter des correctifs. 

Dans d’autres cas, ce sont plutôt des problèmes individuels, qui sonnent une alarme quant à la vigilance dont nous devons faire preuve. 

Je vous dresse maintenant un rapide portrait des principaux motifs de plaintes et de signalements que nous avons jugés fondés en  2017-2018. 

On retrouve en haut de la liste les lacunes quant à la qualité des services. Il est ici question, entre autres, d’absence ou de non-respect de protocoles et de procédures cliniques, en matière de prévention des infections notamment, ou encore de mesures de sécurité ou de protection inadéquates.

Parmi les autres motifs fondés, notons :

  • les délais d’attente;
  • les lacunes dans le comportement ou les compétences du personnel;
  • les atteintes aux droits;
  • les lacunes quant à l’environnement et au milieu de vie des personnes hébergées;
  • et les difficultés d’accès aux services. 

Viennent finalement :

  • les manquements à incidence financière;
  • la qualité déficiente de l’information;
  • et le manque de coordination entre les programmes. 

Qu’a-t-on obtenu à l’issue de nos enquêtes? Nos recommandations ont donné lieu :

  • à l’encadrement ou à la formation d’un ou plusieurs membres du personnel;
  • à l’amélioration des mesures de sécurité ou du milieu de vie;
  • à des progrès dans les pratiques ou dans l’organisation du travail;
  • à la réévaluation des besoins d’un usager ou d’une usagère;
  • à la révision d’un plan de soins;
  • à l’annulation ou au remboursement des frais; 
  • ou encore à une meilleure communication avec les citoyens et les citoyennes.

Voyons maintenant les faits saillants de notre rapport annuel pour chacun des programmes services. Je rappelle qu’il s’agit d’un état de la situation à partir des plaintes et signalements que nous avons traités entre le 1er avril 2017 et le 31 mars 2018. Les constats de notre rapport annuel 2018-2019 seront livrés au mois de septembre prochain.

En ce qui concerne l’accès à un médecin de famille, nous avons réitéré l’importance de maintenir et d’accroître les efforts pour atteindre la cible de 85 % de la population du Québec inscrite auprès d’un médecin de famille. Cette cible, rappelons-le, devait être atteinte le 31 décembre 2017. Or, à cette date, malgré les progrès accomplis, le taux d’inscription plafonnait à 78,3 %, toutes régions confondues. 

À la suite de plaintes et de signalements, nous avons mené une enquête sur les Guichets d’accès pour la clientèle orpheline, les GACO. Nous avons constaté, outre les longs délais d’attente qui étaient à la source des plaintes et des signalements, une mise en priorité parfois inadéquate des personnes. Nous avons aussi découvert que les règles qui régissent les GACO ne sont pas appliquées de façon uniforme dans tous les territoires. À l’issue de l’enquête, nous avons formulé des recommandations au ministère de la Santé et des Services sociaux. Ces recommandations visaient notamment les deux objectifs suivants :

  • que les GACO priorisent les personnes selon leur état de santé;
  • que celles qui se sont vues attribuer un médecin puissent réintégrer leur place dans les GACO  selon leur date d’inscription initiale s’il s’avère que le médecin en question ne les a pas inscrites dans un délai de 60 jours;

Aujourd’hui, nous pouvons dire que les recommandations correspondant à ces objectifs ont été réalisées. 

Toujours en matière de santé physique, notre rapport annuel fait état de notre préoccupation à l’égard du nombre élevé de chutes lors d’hospitalisations. Selon les données du ministère de la Santé et des Services sociaux, pour la seule période 2016-2017, 48 195 chutes ont été enregistrées dans les centres hospitaliers. Cela confirme que ce ne sont pas des faits isolés et qu’on doit leur accorder une attention toute particulière. 

Vous le savez tout comme moi, les blessures qui découlent de ces chutes sont souvent lourdes de conséquences pour la personne et, ultimement, coûteuses pour le système de santé. D’où l’importance d’agir en prévention. Le personnel doit être en mesure de dépister les usagers et usagères qui présentent un risque de chutes, et ce, dès leur arrivée. Il doit aussi consigner l’information dans le dossier de l’usager ou de l’usagère. 

Une autre question me préoccupe, celle de l’utilisation parfois inappropriée du « code blanc ». Vous le savez, le code blanc est une procédure d’intervention d’urgence utilisée lorsqu’une personne manifeste un comportement violent ou menaçant qui représente un danger pour sa propre sécurité ou celle des autres. 

Des plaintes et des signalements ont mis de l’avant que le personnel infirmier déploie parfois trop rapidement, dans le contexte de codes blancs, les mesures de contention. 

Je me souviens entre autres d’un signalement rapportant qu’un homme âgé avait fait l’objet de près de 50 codes blancs au cours de son séjour de quelques semaines dans une unité de courte durée gériatrique. C’était plus d’une fois par jour. Et le déclenchement du code blanc entraînait systématiquement l’installation de la contention physique et l’injection d’un antipsychotique. 

L’établissement visé a accepté de mettre en œuvre nos recommandations. Celles-ci misaient, entre autres, sur la formation du personnel et sur l’importance d’adapter les lieux aux personnes qui présentent des symptômes de démence et d’agressivité. 

Il a aussi été beaucoup question du soutien à l’autonomie des aînés dans notre rapport annuel. Vous vous en souvenez peut-être, les médias ont abondamment couvert, l’automne dernier, les conclusions de notre enquête concernant la pénurie de personnel dans de nombreux CHSLD. La situation n’est guère plus réjouissante aujourd’hui. 

En raison du taux élevé d’absentéisme, du roulement de personnel, des difficultés de recrutement ainsi que d’un ratio personnel-résidents qui ne tient pas compte, dans certains cas, des besoins plus lourds de plusieurs personnes hébergées, le personnel peine à suffire à la tâche. Il en résulte que des services comme les bains hebdomadaires et les soins d’hygiène sont reportés. Certains CHSLD ont même élaboré des consignes écrites que doit suivre le personnel lors du report ou de l’annulation de certains soins ou services. Cela n’est pas acceptable. 

De telles pratiques organisationnelles entrent en effet en contradiction avec les dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi qu’avec les orientations ministérielles qui guident la prestation des soins dans un milieu de vie, intitulé Un milieu de vie de qualité pour les personnes hébergées en CHSLD

C’est pourquoi nous avons aussi formulé des recommandations au Ministère. Elles portent sur la nécessité de réviser à la fois les ratios de personnel de soins, tant au niveau des préposés aux bénéficiaires qu’au niveau infirmier, ainsi que sur la réorganisation des soins en cas de manque de ressources humaines. 

Elles visent également à favoriser le développement de mesures d’attraction et de rétention des préposés aux bénéficiaires et du personnel infirmier dans les CHSLD afin d’assurer une présence suffisante, à la hauteur des ratios attendus. 

Le Ministère s’est engagé à réaliser un projet pilote de révision des ratios de personnel en soins infirmiers, et ce, en collaboration avec la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Il compte également mettre en place des comités de travail pour traiter des enjeux d’attraction et de rétention de personnel. Cette action concertée pour améliorer la situation du personnel se fera avec des ministères partenaires (travail, immigration, éducation), des syndicats et des ordres professionnels. Nous suivons attentivement l’implantation de ces recommandations. 

Concernant les résidences privées pour personnes âgées, nous avons constaté dans certaines d’entre elles des lacunes importantes, que ce soit en matière de formation du personnel, de salubrité ou de sécurité des lieux. Nous avons aussi observé que des résidences n’étaient pas à même de répondre à l’évolution des besoins d’une partie des personnes qu’elles hébergent. 

Ces situations duraient dans certains cas depuis plusieurs mois, voire des années. Notre constat : les CISSS ou les CIUSSS responsables n’ont pas agi avec la vigilance requise. 

Nous avons par ailleurs, encore cette année, fait état de lacunes dans le contrôle de la qualité à la suite d’ententes entre des établissements publics et des ressources d’hébergement privées. 

Ces ententes, on le sait, permettent de désengorger les urgences des hôpitaux en libérant des lits occupés par des personnes âgées qui attendent une place dans un lieu d’hébergement. C’est là une bonne intention, mais ce type d’entente, dans certains cas, ne permet pas d’offrir le niveau d’encadrement requis par l’état de santé des personnes.

Nous avons observé que la condition des aînés n’est pas toujours évaluée avant l’admission de ces derniers dans les ressources. Ils peuvent donc être orientés vers des endroits qui ne conviennent pas à leurs besoins. Dans plusieurs cas, le personnel n’est pas assez nombreux et n’a pas la formation requise pour répondre aux limitations de ces personnes. 

Malheureusement, nos enquêtes ont démontré des situations où :

  • le choix des ressources ne s’appuyait pas sur un processus de sélection rigoureux;
  • le suivi de l’application des ententes était variable;
  • des cas de laisser-aller étaient tolérés.

Dans notre rapport annuel 2012-2013, nous recommandions au Ministère de prendre les mesures appropriées afin de s’assurer que les personnes hébergées dans le cadre d’ententes d’achat de places reçoivent les soins et les services qui correspondent à leurs besoins. 

Par la suite, le Ministère a resserré les critères pour les appels d’offres afin d’assurer un meilleur contrôle de la qualité. Il s’est aussi engagé à exiger des résidences privées pour aînés qu’elles obtiennent un permis de CHSLD lorsqu’elles accueillent des personnes en lourde perte d’autonomie à la suite d’ententes d’achat de places avec des CISSS et des CIUSSS. 

Malheureusement, six ans plus tard, le Protecteur du citoyen constate toujours des lacunes dans le contrôle de la qualité à la suite de telles ententes. 

En matière de soutien à domicile, notre rapport annuel a révélé un écart important entre la demande et l’offre réelle de services. Dans le cadre de son plan stratégique 2015-2020, le Ministère s’est donné comme objectif « d’augmenter de 15 % le nombre de personnes desservies en soutien à domicile de longue durée d’ici 2020 ». 

Or, la reddition de compte du Ministère témoignait pour l’année 2016-2017 d’un résultat inférieur au rythme requis pour atteindre la cible qu’il s’est lui-même fixée. 

C’est ainsi que deux ans après le début du plan stratégique ministériel 2015-2020, le nombre de personnes desservies avait augmenté de seulement 1,7 %, alors qu’il aurait dû s’accroître de 6 % pour suivre la progression attendue. Cela correspond à 5 557 personnes qui n’ont pas reçu de services.  

Par ailleurs, le budget du gouvernement du Québec, présenté le 21 mars 2019, attribue des budgets supplémentaires annuels aux soins et services à domicile, soit 80 millions de dollars en 2018-2019 et 280 millions de dollars en 2019-2020. Il s’agit là d’un engagement financier majeur qui donne ouverture aux améliorations que recommande le Protecteur du citoyen depuis plusieurs années. Nous sommes d’ailleurs particulièrement attentifs aux retombées de ces investissements.

Autre question qui nous préoccupe en matière de soutien à domicile : la gratuité des services. La politique de soutien à domicile Chez soi : le premier choix prévoit que les personnes qui ont uniquement besoin d’aide domestique sont dirigées vers une entreprise d’économie sociale. Ces services sont offerts sans frais aux personnes qui ont un faible revenu. C’est le gouvernement qui en assume le coût.

Or, le Protecteur du citoyen a dû intervenir à plusieurs reprises afin que la gratuité des services soit rétablie pour des personnes qui y avaient droit. 

Parlons maintenant de la question des frais de chambre en établissement hospitalier. 

Vous le savez, une personne qui demande son admission dans une chambre individuelle ou semi-privée doit payer le tarif prévu au Règlement d’application de la Loi sur l’assurance-hospitalisation lorsqu’une telle chambre est « attribuée et réservée » à son nom. Les salles, quant à elles, sont gratuites. 

Ce règlement, qui date de 1981, n’est plus adapté au contexte médical et social d’aujourd’hui. En effet, ces dernières années, plusieurs hôpitaux ont reconfiguré leurs espaces afin de diminuer le nombre de salles et d’augmenter la proportion de chambres à un et à deux lits. Cela a notamment pour avantage de limiter la propagation des infections. 

Ce faisant, certains hôpitaux ne sont plus conformes au taux minimum de lits en salle qu’exige le Règlement, soit 20 %. De même, des centres hospitaliers ont des salles uniquement dans certaines unités et pas dans d’autres. Il s’avère donc que l’option gratuite, soit la salle, devient de plus en plus rare, voire inexistante. Or, pour respecter le principe de l’accessibilité des soins, les établissements doivent offrir à toute personne la possibilité d’être hospitalisée sans frais. 

Dans un rapport d’intervention rendu public le 18 avril 2018, le Protecteur du citoyen a exposé au ministère de la Santé et des Services sociaux les pratiques à revoir. 

En voici un exemple : Le Protecteur du citoyen est d’avis qu’en vertu du régime de santé publique, les services assurés doivent prévoir qu’une personne pour qui une chambre individuelle  est médicalement requise n’a pas à en payer les frais, ce qui n’est pas le cas actuellement. Lorsqu’une personne choisit une chambre individuelle, sa décision fait qu’elle doit en assumer les frais, et ce, même si une telle chambre lui  aurait été assignée gratuitement en raison de son  état de santé. 

Autre situation aberrante : une personne ayant d’abord choisi une salle se voit assigner une chambre semi-privée, faute de disponibilité. En cours d’hospitalisation, elle demande une chambre individuelle pour être plus tranquille. Aucune chambre de ce type n’étant disponible, elle demeure dans la chambre semi-privée. Cette chambre lui sera à partir de là facturée en raison de sa demande. 

Nous avons recommandé au ministère de la Santé et des Services sociaux notamment de modifier le Règlement et la circulaire ministérielle de façon à résoudre les iniquités d’un établissement à l’autre. Nous avons également recommandé de cesser la facturation des frais de chambres lorsque celles-ci correspondent au type de chambre de base offerte dans l’unité où la personne est hospitalisée. De même qu’on doit cesser de charger des frais pour une chambre si elle est médicalement requise.

Nous lui avons aussi recommandé de diffuser l’information nécessaire, tant aux personnes devant être hospitalisées qu’au personnel. 

Je vais maintenant aborder un autre sujet qui me préoccupe particulièrement, celui de l’hébergement pour les personnes handicapées avec des besoins complexes, notamment celles présentant des troubles graves de comportement ou des limitations physiques importantes.

Nos enquêtes à la suite de plaintes et de signalements ont témoigné :

  • Du faible nombre de ressources intermédiaires et de ressources de type familial disposées à accueillir ces personnes;
  • Des difficultés de ces ressources à fournir l’encadrement requis.

On le sait, l’hébergement de personnes ayant de lourds handicaps physiques entraîne des coûts pour l’adaptation et l’aménagement physique des lieux : rampes d’accès, aides à la mobilité, lève-personne, ascenseur. 

De plus, afin de bien répondre aux besoins de cette clientèle et de celle présentant des troubles graves du comportement, les propriétaires des ressources doivent disposer de personnel adéquatement formé et en nombre suffisant.

En raison de ces facteurs, peu de promoteurs manifestent un intérêt pour ce type d’hébergement, ce qui restreint les possibilités de trouver un milieu de vie qui répond adéquatement aux besoins des personnes.

C’est un problème important auquel le ministère de la Santé et des Services sociaux doit, à mon avis, impérativement s’attaquer. Nous l’avons souligné dans notre rapport d’activités 2017-2018 et les améliorations se font toujours attendre. 

Voilà un rapide tour d’horizon des constats de notre rapport annuel d’activités 2017-2018. 

Chaque année, au moment de la diffusion de ce document, nos constats interpellent les médias, la population, les élus, les gestionnaires du réseau et les intervenants et intervenantes qui y travaillent. 

Bien humblement, je suis convaincue que cela contribue, tout comme les conclusions et recommandations des conseils multidisciplinaires, à améliorer la qualité et l’accessibilité des services de santé et des services sociaux. 

Ce bilan annuel est préoccupant, j’en conviens. Il m’importe toutefois de terminer cette présentation en vous présentant d’une part ma vision de notre travail soit de concourir, en toute impartialité à des services publics de qualité, intègres et respectueux des droits de tous les citoyens et citoyennes et d’autre part en soulignant le courage, la compétence et le dévouement de la grande majorité des personnes qui offrent à la population les services de santé et des services sociaux. 

C’est le cas de chacun et de chacune de vous. Votre implication au sein du conseil multidisciplinaire en témoigne.

Je vous remercie de votre attention. Je répondrai maintenant à vos questions.