Speech by the Deputy Ombudsman at the Journées Réseau 2018 (In French)

  • December 11, 2018
Corps

(La version lue fait foi)

Bonjour à toutes et à tous,

La rencontre d’aujourd’hui revêt, selon moi, un caractère bien particulier, pour différentes raisons. 

  • Premièrement, la ministre de la Santé et des Services sociaux s’est récemment engagée à accroître l’offre de soutien à domicile. Selon ce qui a été reporté dans les médias, Mme McCann a affirmé que : « Les personnes sont mieux de rester à domicile, d’avoir des soins et des services chez elles, que d’aller à l’hôpital ou dans des institutions. On va répondre à tous les besoins. L’enveloppe va être là. »
    C’est évidemment musique à vos oreilles et aux nôtres. Vous pouvez compter sur le Protecteur du citoyen pour faire le suivi d’un tel engagement.
  • Deuxièmement, nous venons de rendre public notre rapport annuel d’activités et j’aimerais vous faire part de nos constats en matière de services de soutien à domicile. Vous devinez bien que les plaintes que nous avons reçues témoignaient parfois de situations très difficiles pour des usagers et des usagères. J’y reviens dans quelques instants.
  • Par ailleurs, une rencontre comme celle d’aujourd’hui et demain témoigne de l’apport essentiel des entreprises d’économie sociale en aide à domicile à la qualité de vie de personnes handicapées ou âgées. Grâce à l’aide que vous leur fournissez, ces personnes, dont certaines sont très vulnérables, peuvent vivre chez elles plus longtemps, ce qui correspond presque toujours à leur désir profond. Je tiens à saluer ici l’importance du rôle que jouent vos préposés, femmes et hommes, dans l’univers de l’aide à domicile. Ce travail, qui n’est bien souvent pas valorisé comme il devrait l’être, exige des compétences très diversifiées et une attitude empathique de tous les instants, dans des conditions où le temps et les budgets disponibles sont comptés serrés… Parallèlement, les besoins sont de plus en plus complexes et lourds. Je lève mon chapeau à celles et ceux qui œuvrent dans ce domaine.

Donc, pour ces raisons et pour le plaisir d’échanger avec vous, je vous remercie de m’avoir invité à cette journée. 

Je prends maintenant quelques minutes pour vous décrire brièvement l’institution que je représente. Le Protecteur du citoyen est un ombudsman impartial et indépendant qui veille au respect des personnes dans leurs relations avec les services publics. Nous avons quatre mandats distincts.

  • D’abord, nous intervenons auprès du réseau de la santé et des services sociaux, en deuxième recours, après le commissaire aux plaintes et à la qualité des services de l’établissement visé par la plainte. Nous intervenons également au premier niveau à la suite d’un signalement fait par un tiers ou de notre propre initiative.
  • Ensuite, nous agissons pour prévenir et corriger des situations de non-respect des droits, d’abus, de négligence, d’inaction ou d’erreurs commises par un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec. Il peut s’agir, à titre d’exemple, de Revenu Québec, de la Régie de l’assurance maladie du Québec ou du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
  • À titre d’ombudsman correctionnel du Québec, nous recevons aussi les plaintes des personnes incarcérées dans l’un des 17 établissements de détention sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique du Québec.
  • Et enfin, depuis un an et demi, nous traitons les divulgations d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics. 

Dans le cadre de ses enquêtes, le Protecteur du citoyen dispose des pouvoirs du commissaire enquêteur. Cela signifie que nous avons accès à toute personne et à tout document utile à nos travaux. 

Recours gratuit, simple et indépendant, le Protecteur du citoyen traite les plaintes en toute confidentialité. 

Nos recommandations sont acceptées dans 98 % des cas. C’est donc dire que nos recommandations sont réalistes et applicables. Cela signifie également que les services publics sont très généralement disposés à s’améliorer. J’insiste là-dessus : la grande majorité des décideurs et du personnel des services publics tient à répondre efficacement aux besoins de la population et à régler les problèmes de leurs clientèles. 

Reste que le Protecteur du citoyen traite plus de 10 000 demandes annuellement de personnes qui, à tort ou à raison, sont insatisfaites des services du gouvernement. Parmi les plus vulnérables, il y a les personnes qui veulent avoir des services de soutien à domicile et qui n’en ont pas ou qui n’en ont pas suffisamment. Et de quoi ces gens se plaignent-ils le plus souvent? 

  • De la diminution de leurs heures de services;
  • De l’allongement des délais d’attente;
  • De disparités d’un endroit à l’autre, dans l’application des normes;
  • De leur épuisement à titre de proches aidants. 

Ce sont des réalités que vous connaissez bien. 

De notre côté, nous en avons fait état dans notre rapport annuel paru il y a moins de deux semaines. Je vous invite d’ailleurs à en prendre connaissance sur notre site Web. 

Retour en arrière. En 2003, le ministère de la Santé et des Services sociaux rend publique sa politique de soutien à domicile intitulée « Chez soi : le premier choix ». Le projet est ambitieux. Alors que, pour beaucoup de gens, les services de soutien à domicile sont insuffisants, le Ministère dit vouloir respecter la volonté de rester chez soi, volonté quasi unanime des personnes aînées et handicapées. Fort bien. Qu’en est-il 15 ans plus tard?

Dans notre récent rapport annuel, il est mentionné qu’en mars 2017, le Protecteur du citoyen a effectué une collecte d’information auprès de responsables des services de soutien à domicile dans les CISSS et les CIUSSS. L’analyse des résultats démontre que la situation, quant à l’accès aux soins à domicile, ne s’est non seulement pas améliorée, mais qu’elle s’est détériorée à certains égards : 

  • On assiste par exemple à une diminution du nombre d’heures de services attribuées aux personnes ayant un profil de besoins plus légers;
  • On a fixé un plafond d’heures des services dont le coût est bien inférieur à ce qu’il en coûterait pour héberger une personne dans le réseau public;
  • On a introduit de nouveaux critères d’exclusion;
  • La moitié des CISSS et des CIUSSS ne respectent pas la consigne ministérielle concernant la gratuité des activités de la vie domestique pour les personnes à faible revenu.

Sur le terrain, quelles peuvent être concrètement les conséquences de ces décisions administratives?

Je vous donne l’exemple d’un cas traité chez nous qui a, heureusement, connu un dénouement satisfaisant. Une personne reçoit gratuitement chez elle des services d’aide domestique depuis plus de 5 ans. Du jour au lendemain, elle apprend que même si elle a de faibles revenus, le CIUSSS responsable ne paiera plus les coûts de ces services. Elle s’est plainte au Protecteur du citoyen et notre enquête a révélé que selon de nouveaux critères, elle n’avait plus droit à la gratuité parce que ses besoins se situaient uniquement sur le plan de l’aide domestique, et à raison de moins de cinq heures par semaine. Le CIUSSS avait donc fermé son dossier et la dirigeait maintenant vers une entreprise d’économie sociale. Celle-ci, comme c’était normal de le faire selon son fonctionnement, lui chargeait les frais habituels. Toutefois, la dame n’était pas capable de les assumer. Nous avons recommandé au CIUSSS de rétablir la gratuité des services pour cette personne, ce qui a été accepté. Et ce qui est doublement intéressant, c’est que nous avons obtenu le même résultat pour tous les usagers et usagères à faible revenu dont les besoins sont attestés par un établissement (CISSS, CIUSSS), comme le prévoit la politique du Ministère. 

Je ne veux pas vous assommer sous les chiffres, je me contenterai de rappeler que dans son plan stratégique 2015-2020, le Ministère s’est donné comme objectif d’augmenter de 15 % le nombre de personnes desservies en soutien à domicile de longue durée d’ici 2020. Or, ce qu’on constate c’est plutôt que la croissance progressive prévue n’a pas lieu. C’est ainsi que selon les derniers chiffres disponibles, deux ans après le début du plan stratégique, le nombre de personnes desservies, soit près de 133 000 a augmenté de 1,7 %. La cible d’augmentation était toutefois de 6 %. Et encore une fois, concrètement, qu’est que cela représente? Cela veut dire que plus de 5 557 personnes n’ont pas reçu les services dont elles ont besoin.

Donc, oui, on attend impatiemment les retombées des récentes annonces du Ministère qui envoie comme message qu’il comblera les besoins et que les budgets suivront les intentions. 

Et d’ailleurs, le message en introduction de notre rapport annuel d’activités et que signe la protectrice du citoyen s’intitule « Honorer ses engagements ». On comprend ici que la protectrice s’adresse à l’ensemble des services publics. Donc certainement à ceux qui doivent assumer leurs responsabilités auprès des aînés, des personnes handicapées et de toute personne vulnérable qui requiert des soins chez elle et qui en fait un premier choix

Je l’ai dit en début de présentation, les entreprises d’économie sociale jouent un rôle clé dans l’offre de services de soutien à domicile. À cet effet, les responsables des entreprises d’économie sociale doivent exercer toute la vigilance possible pour assurer des services de grande qualité donnés par un personnel formé et encadré. Du fait qu’on dessert ici une clientèle vulnérable, il faut, en tout temps, veiller à sa sécurité, à sa protection et au respect de ses droits. 

En terminant, je voudrais vous adresser à tous et à toutes mes meilleurs vœux pour le temps des Fêtes et l’année qui vient. Temps de rencontres et de retrouvailles, ce peut être aussi le temps des solitudes. Les soins et services aux personnes isolées qui ont besoin d’assistance redoublent certes d’importance.

Et tant qu’à parler de fête, vous avez souligné en 2018 les 20 ans de la création des entreprises d’économie sociale. En 2019, le Protecteur du citoyen célébrera pour sa part ses 50 ans d’existence. Dans un cas comme dans l’autre, vous et nous avons acquis une solide expertise concernant les personnes dont la situation nécessite un accompagnement à domicile respectueux, sécuritaire et humain. 

Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions. 

Mais avant, j’ai envie d’emprunter une expression à un journaliste du magazine Québec Science qui a écrit que le Québec s’apprête à prendre « Un beau coup de vieux », ceci évidemment dans le plus grand respect de nos aînés. Le reportage insiste sur le fait qu’une société vieillissante est une très bonne nouvelle, parce que cela représente avant tout une magnifique percée scientifique et sociale. Dans cette perspective, les entreprises d’économie sociale en aide à domicile sont au tout premier plan pour relever le défi que représente ce « beau coup de vieux ». 

Je vous remercie de votre attention.