(La version lue fait foi)
Bonjour à toutes et à tous,
Le 1er mai 2017, entrait en vigueur une loi déterminante en matière d’intégrité publique au Québec : la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics (LFDAROP) envoyait un message clair quant à la nécessaire intégrité des services publics. Depuis ce jour, les lanceurs d’alerte peuvent recourir à un mécanisme indépendant et impartial pour dévoiler des faits qu’ils estiment répréhensibles à l’égard des organismes publics. De plus, pour les personnes qui le font dans le cadre de ce mécanisme, la Loi leur fournit une protection contre les représailles.
Le Protecteur du citoyen a reçu le mandat de traiter de telles divulgations et de mener les vérifications et les enquêtes nécessaires. Tout cela avec le souci absolu d’assurer au lanceur d’alerte la plus grande confidentialité.
La Loi prévoit également la désignation obligatoire, à l’intérieur des ministères et des organismes, d’une ou de plusieurs personnes responsables du suivi des divulgations. Cette personne est chargée elle aussi de mener des vérifications. Elle ne détient toutefois pas les pouvoirs d’enquête de commissaire-enquêteur du Protecteur du citoyen ni la même distance par rapport à son organisation. Le citoyen ou la citoyenne qui veut s’adresser à ce responsable interne doit faire partie du personnel de l’organisme visé. Il conserve toujours le choix de s’adresser au Protecteur du citoyen, et ce, à tout moment de sa démarche. J’ajoute que la personne responsable du suivi des divulgations peut, elle aussi, se tourner à tout moment vers le Protecteur du citoyen pour lui transférer une partie ou l’entièreté du dossier de divulgation, si elle croit que le Protecteur du citoyen est davantage en mesure d’y donner suite et, dans ce cas, elle en avise l’employé.
J’en viens maintenant aux faits à l’origine de l’intervention du Protecteur du citoyen.
Le 30 octobre 2017, une personne à l’emploi du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation a déposé une divulgation, en vertu de la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics, à la responsable du suivi des divulgations de ce ministère. Le 24 janvier 2019, le divulgateur a été congédié du MAPAQ à la suite de fuites journalistiques. Le 1er février, usant de notre pouvoir d’enquête à notre initiative, je décidais de faire enquête.
Je précise ici que le rapport déposé aujourd’hui ne porte pas sur le congédiement du divulgateur. En vertu de la Loi sur le Protecteur du citoyen, nous n’avons pas compétence pour intervenir en matière de relations de travail. Par ailleurs, en vertu de la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics, l’employé qui croit avoir été victime de représailles en matière d’emploi à la suite de sa divulgation doit exercer ses recours selon les lois du travail. C’est ce qu’a fait le divulgateur dans le présent dossier.
À noter également que les allégations d’actes répréhensibles à l’égard du MAPAQ qui ont été dévoilés publiquement font l’objet d’une enquête distincte que nous menons actuellement en vertu de la LFDAROP.
Le rapport que je dépose aujourd’hui présente donc le résultat de notre enquête menée pour déterminer si le MAPAQ a respecté, dans ce dossier, la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics qui permet au divulgateur de faire une divulgation en toute sécurité, en confiance et à l’abri des représailles.
En voici les principaux constats :
- D’abord, le traitement de la divulgation a donné lieu à une délégation des responsabilités qui n’est pas autorisée par la Loi.
- Le mode de communication utilisé pour les échanges n’était pas sécuritaire.
- Le premier contact verbal avec le divulgateur a été tardif.
- Le divulgateur et les personnes ayant collaboré aux vérifications ont reçu des informations incomplètes sur leurs droits et leurs obligations.
- La personne responsable du suivi des divulgations a interprété trop étroitement la portée de sa compétence sur les allégations d’actes répréhensibles à l’égard du MAPAQ.
- La divulgation aurait dû être transférée au Protecteur du citoyen en raison de cette vision restrictive de la compétence et de la difficulté de protéger l’identité du divulgateur à l’interne.
- L’identité du divulgateur a été dévoilée à des tiers.
- Et enfin, le suivi auprès du divulgateur lui a fait perdre confiance dans le processus.
En somme, l’enquête démontre que la Loi n’a pas été respectée et que les manquements sont majeurs.
Je recommande donc des redressements pressants et importants pour permettre à tout divulgateur et à toute personne qui collabore aux vérifications effectuées par un responsable du suivi des divulgations d’être traités dans le plus grand respect de la confidentialité de leur identité et des faits qu’ils dévoilent.
Nos recommandations visent aussi à garantir des mécanismes de traitement des divulgations qui agissent avec discrétion et qui placent l’intégrité publique au cœur de leur action.
Et enfin, les correctifs ont pour but de donner confiance aux citoyens et aux citoyennes quant à la prise en charge des lanceurs d’alerte.
Confiance… C’est d’ailleurs le maître mot. Nous savons bien que si les gens n’ont pas confiance dans le mécanisme de traitement des divulgations, ils choisiront de garder le silence, en dépit de l’importance de leur divulgation pour l’intérêt public.
En cela, les manquements du MAPAQ sont graves pour le divulgateur, bien sûr, mais aussi, au-delà du cas d’espèce, pour la crédibilité du mécanisme de traitement des divulgations. Parce que si cette crédibilité est entachée, la divulgation d’un acte répréhensible demeurera une possibilité théorique. Personne ne voudra s’y aventurer.
Nos recommandations acceptées par le MAPAQ et le Secrétariat du Conseil du trésor conduiront aux réformes nécessaires du mécanisme interne de traitement des divulgations du MAPAQ et aux mécanismes analogues dans les organismes assujettis à la Loi.
Mais je tiens d’ores et déjà à ce que toutes et tous sachent que le Protecteur du citoyen peut, à tout moment, traiter une divulgation d’acte répréhensible, que ce soit au début du processus, en cours de vérification, ou au terme de l’intervention du responsable du suivi des divulgations. La personne qui a recours au Protecteur du citoyen peut être certaine :
- que la confidentialité de son identité sera préservée;
- et que sa divulgation sera traitée en toute indépendance et impartialité, en conformité avec la Loi.
Cette confiance que le Protecteur du citoyen place au centre de son action est indissociable de la confiance que doivent avoir les citoyens et les citoyennes à l’égard de l’intégrité des services publics qui interviennent chaque jour dans leur vie.
Je vous remercie et répondrai maintenant à vos questions.